Ousmane SY en conférence à Bandiagara

Publié le par Bandia-Monnet


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Conférence de Ousmane SY, Lycée de Bandiagara (3 février 2010)

Ousmane SY a été ministre de l’Intérieur dans le précédent gouvernement, Chargé de la décentralisation, consultant international au PNUD, donne des cours à Sciences Po Paris et actuellement, il est conseiller municipal à Bandiagara dont il est natif. Il vient de publier « Reconstruire l’Afrique », ouvrage dans lequel il défend l’idée d’une décentralisation (administrative) des pouvoirs notamment vers les communes pour leur donner plus d’autonomie de décision.

 Propos tirés de « Maliweb » :

«L’Afrique, riche de ses ressources naturelles, de ses cultures diverses et de la jeunesse de ses populations, n’est ni figée, ni vouée à l’échec et à la marginalisation». Tel est le credo de l’ex ministre Ousmane, Sy, spécialiste, pour avoir mené de bout en bout ses phases initiales, du processus de décentralisation du Mali, et panafricaniste convaincu. Dans l’ouvrage qu’il vient de faire paraître, «Reconstruire l’Afrique», il nous propose de réfléchir pour aller «Vers une nouvelle gouvernance fondée sur les dynamiques locales ».

Petit rappel de ce qu’est la coopération décentralisée afin de mieux comprendre le contexte de la conférence de Ousmane SY : Au sens français la coopération décentralisée désigne l’établissement de relations de long terme entre collectivités territoriales françaises (régions, départements, communes et leurs groupements) et étrangères, formalisées par des conventions. Celles-ci définissent les actions de coopération prévues et leurs modalités techniques et financières. La coopération peut prendre des formes diverses : aide au développement, appui institutionnel, gestion commune de biens et de services, coopération transfrontalière ou coopération interrégionale.

Cette définition est inscrite dans la loi de 2007.

Notre partenariat avec le lycée de Bandiagara se situe dans le cadre de la Coopération décentralisée.

1)   Introduction sur la coopération selon Ousmane Sy :

Pour lui, jusqu’à présent la  coopération s’est jouée au niveau des administrations et des bureaucraties alors qu’il s’agit d’une affaire d’hommes. Le dialogue devrait se faire sur ce que femmes, hommes et  jeunes ont en commun ; ce qu’il manque aujourd’hui c’est un surplus d’humanité. Nécessité que les sociétés se respectent dans la diversité et dans la différence.

 

2)   Retour sur le Panafricanisme :

Son référent est l’historien KI-ZERBO. Né en 1922 et mort en 2006, ce Burkinabé fut professeur d’histoire en 1957 dans l’académie d’Orléans et a   beaucoup travaillé avec Cheik Anta Diop, historien et anthropologue sénégalais (pour en savoir plus sur  Cheikh Anta Diop, consulter : http://lepangolin.afrikblog.com/archives/panafricanisme/index.html) et Cheik Hamidou Kane écrivain et homme politique sénégalais. Ces hommes furent les militants du panafricanisme. Ils créent en 1957 un mouvement politique et culturel ayant pour objectif de donner aux africains le pouvoir sur leur passé par une union de tous les Africains pour régénérer l’Afrique.

 

 

3)   Vidéo de D. Kouyate sur KI-Zerbo :

« Si on se couche, on est mort »

Ousmane Sy nous projette le DVD sur Ki-Zerbo, de Dani Kouyate : « Identités, identité pour l’Afrique » où sont interviewés Ki-Zerbo et d’autres historiens qui viennent commenter la pensée de Ki-Zerbo (Mme J. Ki-Zerno Coulibaly,  le Pr. Elikia <Mbokolo, le Pr. A. Mahtar MBOW, le Pr.Iba Der Thiam, le Pr. Alpha Konaré).

 

L’Afrique a une Histoire et la décolonisation a été une époque de décérébration :

Ki-Zerbo se bat pour dire haut et fort que l’Afrique a une histoire, elle est dans l’histoire du monde ; si on ne connaît pas l’histoire de l’Afrique, on ne connaît pas l’histoire du monde. Il contribue à la recherche de l’identité africaine (c’est-à-dire, comment, idée à préciser ici). Que l’homme africain, là où il se trouve reflète sa culture, sa civilisation.

Ki-ZErbo, cite une anecdote : à l’hôpital, après un diagnostic, il faut une intervention et le médecin  dit à une femme qu’on va lui faire une anesthésie locale. Elle répond qu’elle veut une anesthésie de France. Les Africains doivent comprendre, définir et affirmer leurs identités. Pour Ki-Zerbo il est important de savoir qui on est « quand on ne sait pas ce qu’on cherche on ne peut savoir ce qu’on trouve ». […]« Nous jouons un rôle qu’on nous a infligé. On est dans le modèle traite des noirs. C’est du prêt à porter mais pas du sur mesure »

La colonisation a été une époque de décérébration, a vidé l’Afrique de ses symboles et a voulu une re-cérébration avec d’autres idées, d’autres valeurs, d’autres concepts, d’autres références. On a dit que comme il n’y avait pas d’écrit, il n’y avait pas d’Histoire (et pourtant l’Egypte est utérus de l’Afrique).

 

Réflexion sur l’identité africaine, une nécessité :

« Quand on ne sait pas qui on est, d’où on vient, on ne peut savoir d’où on va. »

Pour que les personnes suivent, il faut qu’elles sachent leur identité. L’Afrique est constituée d’identités plurielles : identités individuelles, familiales, ethniques, etc … Tout cela aide à fonder les cultures. Mais il faut les faire converger.

 

L’identité ne s’acquiert pas de façon passive, c’est une démarche. Comment sommes-nous passés de ce que nous étions à ce que nous sommes ? L’important c’est le processus de changement : Qui sommes nous ?  D’où venons nous ? Où allons nous ?  L’identité se construit à travers les luttes, elle ne se porte pas sur la poitrine comme  une médaille. Que faisons nous pour passer de la multitude des identités à une identité au singulier qui puisse être visible dans le monde du 21ème siècle.

 

Avant, il y avait une identité transmise par l’initiation qui permettait transmission d’un savoir de connaissances, d’attitudes, de comportement qui faisait de l’enfant un citoyen. L’homme ne naît pas tout fait c’est l’éducation qui le complète. La démarche identitaire n’est pas comparable au mouvement de l’authenticité qui, lui, est nostalgique. Ki-Zerbo dialogue entre passé, présent et avenir. Depuis l’esclavage au 16ème, on se méprise soi-même. A partir de cette époque, l’Afrique bascule.

Nous avons fait la courte échelle pour que des gens grimpent sur le baobab du développement. Il faut faire des efforts nous-mêmes pour nous développer. Mais on ne peut pas se développer dans le cadre fixé par ceux qui nous ont exploités. « Dormir sur la natte des autres, c’est comme dormir par terre ». Il faut bâtir sur ses propres valeurs, sur ses spécificités en temps que peuple, sinon le développement ne peut pas être durable. On n’est pas pour la pensée unique.[ Le modèle de développement occidental n’est pas le seul modèle de développement et n’est surtout pas celui qui convient aux sociétés africaines]. Le développement endogène permet d’y échapper. [L’économie africaine dans le cadre d’un développement endogène s’appuierait sur un intérêt global et  collectif]

 

(Savoir endogène : s’ouvrir en même temps à la science à la technique). L’intellectuel n’est pas celui qui a des diplômes  mais celui qui  réfléchi à ce que sa discipline peut apporter à sa communauté.

 

Pour un développement endogène :

Réflexion et bataille sur le développement endogène : quelles sont nos richesses ? Comment nous ouvrir à la modernité ? Il interpelle les intellectuels pour qu’ils réfléchissent à ce que leur discipline peut apporter à l’Afrique. Jusqu’à présent la recherche ne portait que sur les produits qui intéressaient le colonisateur : arachide, café, cacao mais rien sur le haricot, le mil.

Ki-Zerbo a toujours voulu partir des paradigmes de leurs cultures, de leur réalité sans pour autant rejeter les apports extérieurs mais en les réévaluant, en les revisitant pour inventer un nouveau modèle. Mais surtout ne pas se déconnecter de la réalité. Il voulait s’inventer un modèle.

Exemple : les programmes d’enseignement : faire en sorte que les enseignants aient une visibilité commune (échanges entre professeurs africains des différents pays). Avoir une université unique africaine pour les pays d’Afrique francophone. Cela aurait été comme une provocation à la France qui les avait divisés ! Il n’y a pas de sciences nationales et si l’Afrique veut rentrer dans la science il faut que la science soit panafricaine.

 

Entre 1961 et 1963 débats sur les indépendances :

Que faire de l’indépendance ? Où allons-nous ? Comment gérer ? Il aurait fallu des États-Unis d’Afrique dès la création de l’O.U.A. Il y avait ceux qui vouaient garder le découpage colonial et les autres qui voyaient bien que ce n’était pas viable. Les micro-Etats seraient trop faibles et n’auraient pas la possibilité de développement réel, et les gouvernements de jouer le rôle attendu.

Discours de De Gaulle. Eux, les militants du panafricanisme, veulent une association à égalité avec la France. Ils ne veulent pas les associations de cavalier et du cheval ; et Sékou Touré le dira « nous préférons la liberté dans la pauvreté que l’opulence dans l’esclavage »

 

En 1958, un grand référendum est organisé pour savoir quels sont les Etats qui veulent de suite la décolonisation. Seule la Guinée de Sékou Touré répond positivement.  Elle  sera d’une certaine façon punie. par la France, et  l’état du pays s’en ressent très rapidement : hémorragie de cadres etc:. Aussi, Ki-Zerbo s’expatrie et  part s’installer en Guinée pour participer à la reconstruction du Pays et aider ce nouvel état indépendant à faire face à la situation.

 

 Certes Sékou Touré a une intelligence supérieure, il a su mobiliser les masses mais il va très mal évoluer et va transformer son régime en autocratie, répression des valeurs, mécanique infernal qui se met en place.

En 1960, Patrice Lumumba qui obtient l’indépendance du Congo demande la coordination des états indépendants. On les accuse d’aller trop vite, on les marginalise, on les accuse d’être communiste.

Houphouët Boigny (Côte d’Ivoire) joue à fond le jeu de la territorialisation de l’Afrique, il roule pour la France. Il casse le projet de fédération africaine A chacun de se débrouiller, il devient l’adversaire de Kourouma. Tous les accords avec la France au moment des indépendances conservent pour celle-ci les intérêts stratégiques et économiques.

Au moment des indépendances, il ne peut pas y avoir de souveraineté des pays dans la misère et dans le besoin. L’indépendance des Etats africains n’est pas une fin en soi. L’indépendance politique des pays devait permettre de changer les conditions de vie des populations. Mais beaucoup de chef d’Etat ne savent pas où ils veulent conduire leur peuple.

 

L’Etat et la Nation en Afrique : L’Etat (les frontières) précède la Nation en Afrique/en Europe la Nation précède l’Etat 

 

C’est toute la question du découpage territorial de l’Afrique sans respect des ethnies que pose Ki-Zerbo. Les Etats africains ont dû constituer une Nation (un peuple, une identité) à l’intérieur d’un territoire défini par la colonisation.

 

En Afrique, est-ce que nous avons l’Etat ? Est-ce que nous avons la nation ? L’état c’est une super structure crée à un niveau supérieur qui n’est ni Mr X ni Mr Y, mais une superstructure symbolique à laquelle tout le monde doit obéir Avons-nous ce type d’Etat en Afrique aujourd’hui ?

 

Qu’est ce que c’est que la nation ? Les ethnies ont joué parfois le rôle de pré-nation.

La traite, la colonisation a provoqué la cristallisation des ethnies (guerres coloniales très importantes) : ils prennent des hommes d’une ethnie pour en coloniser une autre. Ce qui fait problème ce n’est pas la diversité ethnique mais l’instrumentalisation de la diversité à des fins politiques. On ne peut ramener le problème de la nationalité à des questions ethniques.

 

Assumer les ethnies : mais dans une vision démocratique, et panafricaine, il faut conjuguer le dépassement des frontières : « C’est ensemble que les tisons brûlent, c’est séparés qu’ils meurent… » . Les frontières ne servent que ceux qui les ont tracées. Elles sont belligènes.

Nous nous sommes opposés à un système colonial, à un système d’aliénation intellectuelle, à un système qui niait nos cultures, à un système qui niait notre histoire mais en nous opposant nous avons construit. Il faut une nouvelle conception de l’Afrique à injecter dans les consciences des populations. On ne mondialise pas innocemment. Certains ont encore intérêt à voir l’Afrique mendier.

Nous devons démontrer les chefs d’œuvre, les exploits :« Nous avons à dire des choses que nous sommes seuls à pouvoir dire »

Le panafricanisme pour que ça fonctionne il faudrait le climat des années 1920, 1930 ou1950..

(ces périodes correspondent à des périodes importantes de  réactions face au colonisateur)

-         il nous faut des intellectuels compétents (pas des profs de fac coincés et coupés des autres) dans leur domaine et capables d’ouvrir au plus grand nombre.

-         avoir des politiques qui voient l’intérêt général

-         on a besoin des jeunes

-         Il faut que l’Afrique détermine son présent, son avenir. Qu’elle ait une vision de ce qu’elle doit être pour elle-même et dans le monde.

-          « On ne développe pas, on se développe »

 

4)   Intervention de O.SY

En 1963 Ils n’ont pas réussi à dépasser les frontières : on a déclaré leur intangibilité.  L’Afrique doit prendre modèle sur l’Europe qui a dépassé ses frontières. C’est réparable à travers l’intégration sinon, ça bloque les mouvements de biens, des gens. Les frontières mènent à la guerre, au gaspillage, il faut les dépasser dans les activités, faire comme si elles n’existaient pas

Large débat pour les 50 ans de la décolonisation.

Pour toux ceux que ça intéresse nous repasserons le film sur Ki-Zerbo lors du mois du Mali (Mai 2010).

(Notes retranscrites par A.M.Cailly )

                                                       

 

 

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                                                         (Notes retranscrites par A.M.CAILLY )

 

                                                     
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<br /> C'est Vraiment interessant, je regrette de ne pas avoir pu y assister.<br /> <br /> <br />
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